Johann Zarco

Pilote en MotoGP depuis 2017, Johann Zarco s’est illustré par deux titres mondiaux en 2015 et 2016 alors qu’il courait en Moto2.

Johann Zarco, équipé par Furygan, porte l’airbag In&motion dans sa combinaison. Pendant cette interview, nous avons eu la chance d’aborder avec lui différents sujets : son rapport à ce sport de haut niveau, à la chute, la recherche de l’excellence, ses expériences avec l’airbag et surtout sa vision de demain.

Cet entretien marque la première brique d’une série d’interview menées avec des personnalités et des athlètes de haut niveau avec qui In&motion a la chance de travailler. Recherche de performance, remise en questions, optimisation constante, adrénaline, beaucoup d’éléments de discours font échos à la manière d’aborder notre métier et à la mission d’In&motion : sauver des vies.

23/05/2022 – Photos & Vidéo: Alban Nieroz Studio – Temps de lecture: 10 min

Peux-tu te présenter ?

Je suis Johann Zarco, je suis né en 1990, le 16 juillet. Petit j’étais plutôt d’un naturel timide et discret et en grandissant, notamment grâce à la moto, j’ai pu gagner en confiance. Depuis l’âge de 13 – 14 ans, jusqu’à aujourd’hui 32, je suis resté quand même très focalisé sur ce sport qui en un sens dirige ma vie.

Quel est ton rapport au haut niveau ?

Il y a eu plusieurs étapes, d’abord la timidité au début et puis en grandissant, une prise de confiance et d’autonomie. Grâce à l’expérience, je peux maintenant profiter des bons moments et de toute cette aventure, voyager pour faire ce que j’aime et en même temps rester concentrer et donner le maximum quand il le faut.

Est ce que au cours des dernières années tu as vu une évolution des motos et des équipements qui ont permis de franchir des étapes ? 

Oui, l’évolution du monde que ce soit technique ou même humain surtout sur les 2 dernières années, permettent de  changer et de grandir.

Ces évolutions techniques, surtout, demandent de plus en plus d’engagement physique sur les motos, ce qui fait qu’il y a moins de place pour, on va dire, le contrôle ou la marge.

On a de moins en moins de marge et pour continuer à tout donner il faut aussi cet équipement où on peut y aller sans trop se poser de questions et là, clairement, on prend conscience de toute cette évolution, on voit avec l’expérience qu’on accumule des petites blessures sur le corps, on va dire souvent des brûlures, mais on arrive à passer au-delà parce qu’être bien équipé, cela permet de libérer l’esprit pour continuer à donner le maximum.

Est-ce que tu as un rituel au moment de te préparer avant une course ?

Pendant toute la phase de préparation, avant de s’habiller, c’est beaucoup d’étirements pour relâcher le corps parce que le moment où je vais mettre la combinaison, en général ce n’est pas ce qu’il y a de plus confortable mais vu les vitesses auxquelles je vais rouler sur la moto, il est nécessaire d’avoir la combinaison très serrée sur le corps pour éviter des mouvements qui peuvent perturber le pilotage. C’est pour ça qu’ avant de mettre la combinaison, il y a beaucoup d’étirements, un peu d’échauffement du corps, rentrer dans sa bulle pour savoir qu’on va mettre l’armure, et là vraiment une fois que j’ai endossé cette tenue, je me mets dans une bulle de concentration qui est fondamentale.

Ce processus fait partie de ton rituel pour atteindre l’excellence ?

Tout ce processus de concentration est obligatoire. J’ai besoin d’une demi-heure pour rentrer dans cette bulle parce qu’en fait il va falloir donner plus que ce que le corps ou ce que même la tête pense pouvoir donner et si je reste dans une zone où je pense avoir le contrôle, je suis à la rue, et pour ne pas être à la rue, il faut se conditionner pour se dépasser à chaque séance et c’est ça qui rend l’activité éprouvante, difficile mais qui finalement récompense avec beaucoup d’adrénaline et ça c’est agréable.

La chute fait partie du sport, comment tu l’appréhendes ?

Alors la chute je pense qu’on ne l’aborde pas tous pareil selon les pilotes il y a l’âge déjà. A 30 ans, on est censé avoir plus chuté que celui qui a 20 ans et du coup presque grâce ou à cause de l’expérience on va moins chuter mais peut-être qu’on va prendre moins de risque au moment où il faudrait en prendre pour dépasser certaines limites.

En tant que pilote, on a peur de chuter par crainte de perdre du temps parce que quand on chute, on perd du temps. En discutant de ça avec un ami, il a rigolé parce qu’il s’est dit “ moi si je chute j’ai peur de me faire mal” mais c’est un ami qui lui ne fait pas de moto.

Alors que nous pilotes, si on chute on a peur de perdre du temps. Mais sans doute qu’on a eu la chance de chuter sans se blesser ou sans trop se blesser. Clairement c’est l’évolution depuis qu’il y a l’airbag, je pense qu’il y a des mentalités de pilotes qui ont de moins en moins peur de tomber mais ce n’est pas vraiment mieux parce qu’ils ne se concentrent pas assez et ils répètent trop souvent les mêmes erreurs.

Ce n’est pas le cas pour ma part mais au moins on sait que la crainte c’est juste de perdre du temps car on est quasi sûr qu’on se fera pas mal, enfin on va dire que c’est l’avantage de l’équipement mais ça permet de pouvoir se concentrer à se dépasser ou se concentrer à se dire “ok à ce moment là, il va falloir passer une certaine limite, je ne suis pas sûr si ça va passer mais au pire, si ça casse enfin si ça chute et bien avant même la blessure il y a la chute”. Il y a toujours moyen de s’en sortir d’une manière ou d’une autre. Mais voilà, le 100% c’est ça aussi, savoir gérer entre je me dépasse mais je reste dans la zone et on pourrait en parler vraiment longuement. C’est un sujet assez délicat à expliquer.

Tu portes un airbag depuis combien de temps ? Est-ce que tu as pu constater les évolutions ? 

Je dirais que je l’ai dans la combinaison depuis 2018.

Au début ça dérangeait même si on sait que ça va protéger davantage mais j’avais une technique lorsque je chutais, j’étais très relâché, je laissais aller mes bras en l’air pour pas perturber la chute et plutôt me laisser glisser au mieux même si après on fait quelques roulés boulés mais voilà j’essayais de m’adapter aux éléments lorsque je chutais. Lorsque j’ai eu l’airbag au début, il était assez rigide, c’est obligé parce que sinon il n’absorbe rien, il ne fait pas son rôle mais le fait de gonfler et d’être assez rigide ça me perturbait dans la chute parce que moi qui avait tendance à me décontracter au max et bien j’étais encore plus secoué qu’avant même si j’étais sans doute plus protégé. J’ai appris à chuter avec l’airbag. En 2018 j’ai évolué comme ça.

Ce système a toujours bien fonctionné, ce système intelligent qui comprend à quel moment tu es dans de mauvais draps et à quel moment il doit se déclencher et il y a tout un algorithme qui est dans cet airbag qui me fascine parce que, comment il sait que ça va mal se passer ? Alors que des fois sur la moto ça peut bouger, on peut se faire des sacrées secousses et on pourrait croire que je suis dans de mauvais draps mais non, il ne se déclenche pas parce que je n’ai pas chuté alors qu’au moment de la chute il s’est déclenché. Et ça c’est assez fascinant. L’airbag apporte ce confort d’une protection supplémentaire mais d’un autre côté on est encore plus serré dans la combinaison et là, il faut adapter un peu on va dire sa “technique de chute” pour mieux utiliser l’outil.

Depuis l’expérience In&motion, tout s’est bien passé, pas de souvenir particulier bon ou mauvais, tout est bien sur les rails et c’est le plus important.

Quelle est ta vision de la protection airbag ? 

Pousser vers l’airbag déjà pour le côté compétition / course, tout est bien intégré dans les combinaisons, c’est un plus.

Après, il faut garder l’intelligence du pilote  à ce dire c’est pas parce que tu es de plus en plus protégé, tu vas te faire de moins en moins mal que tu peux risquer bêtement, il faut toujours garder une notion du risque là je parle vraiment d’éducation du pilote si je dois faire grandir un gamin dans le monde de la moto.

Après, dans une vision plus globale c’est un élément qui commence à être de plus en plus utilisé par les motards sur la route et on voit que cette protection supplémentaire est vraiment efficace, elle aide beaucoup.

C’est vrai que moi, sur le côté balade moto, je suis plus partisan de la liberté et parfois, être suréquipé ça peut être embêtant mais, mine de rien, les équipements évoluent : on peut être libre, habillé léger mais tout autant protégé et c’est bien que l’évolution des technologies permet d’avoir cette protection tout en gardant ce côté liberté parce que la surprotection pour un déplacement de 5 minutes en ville pour aller chercher le pain moi je ne suis pas pour ça. Il faut aussi garder un côté bon sens et savoir s’autogérer mais tout évolue et c’est une bonne chose parce qu’on arrive à faire cohabiter  les 2 choses en même temps : la liberté et la protection.

Que donnerais-tu comme conseil aux jeunes qui se lancent ?

Je leur dirais d’abord de surtout respecter leur équipement quand ils s’habillent ou quand ils se déshabillent, ne pas laisser traîner leurs équipements n’importe où et que ça ne reste pas sale car c’est ça qui les protège et c’est ça qui fait qu’ils vont être bien, ne pas maltraiter son matériel comme une sorte de superstition “si je respecte mon équipement, il me le rendra bien”.

Après, on voit que les jeunes qui se lancent dans la compétition, n’ont pas obligatoirement l’airbag tout de suite, mais à mon avis, on va avoir les airbags dans les combinaisons pour les plus jeunes de plus en plus tôt parce que c’est hypra utile. L’enjeu sera d’avoir un équipement qui reste accessible, pour des parents avec un petit qui débute, il faut réussir à bien tout contrôler côté budget.

Tu parlais de liberté à moto et puis l’airbag est arrivé avec une obligation en MotoGP en 2018, comment ça a été perçu ? 

Lorsque que l’airbag a été obligatoire en 2018 en MotoGP, beaucoup de pilotes le portaient déjà depuis un moment et donc lorsque ça a été rendu obligatoire ça n’a posé aucun problème.

Pour le côté “se sentir libre”, on veut être plus à l’aise dans la combi du coup on peut ne pas vouloir d’airbag mais les systèmes étaient déjà suffisamment développés pour être intégrés sans gêner les pilotes du coup à l’unanimité ça a été un plus et pas du tout une gêne.

Par rapport à ce discours “liberté”, en compétition, on parlera plus d’aisance que de liberté ou alors liberté de mouvements mais “encombré”, en compétition, ça n’existe pas, on va tellement vite en fait que c’est le minimum à avoir pour pouvoir courir à ces vitesses là et pouvoir faire ce genre de discipline. Pour moi quand j’utilise le mot liberté c’est plus sur l’aspect ballade / plaisir que compétition.

Tu as chuté avec des gonflages. Est-ce que tu arrives à décrire le ressenti que tu as eu ?

C’est difficile à décrire vraiment cette sensation lorsqu’on chute avec l’airbag on prend une décharge d’adrénaline tellement extrême qu’on a pas le temps de penser à ça. Selon les vitesses auxquelles on chute, sur les chutes à plus de 300km/h c’est plus un instinct de survie qui prend le dessus ou on espère que tout se passe bien.

Les chutes à plus petite vitesse, là oui on a plus le temps de chuter de sentir que ça a gonflé se sentir robuste et là on glisse et dans ces moments là comme c’est des plus petites glissades là on a le temps de se rendre compte des choses mais dès qu’il y a le côté “High Side” on se fait éjecter de la moto, la combi va gonfler, on va taper le sol et là l’airbag va être vraiment utile mais comme c’est un moment hypra extrême on n’a pas le temps de se rendre compte. Pour ma part ça sera plus sur une glissade que je vais me rendre compte “tiens j’ai gonflé, je suis bien et je termine ma glissade ».

Est-ce que tu perçois un bénéfice de l’airbag sur la récupération après une chute ? 

Ce sont 2 choses vraiment très séparées.

Si on prend simplement la chute, le fait d’éviter de se faire mal aide déjà à moins avoir la crainte ou l’appréhension de la prochaine chute, donc oui, si on ne s’est pas fait mal, d’une part, pour le mental, on n’a pas d’appréhension et d’autre part, comme on n’a pas ces douleurs physiques on sait qu’on peut y retourner plus rapidement, on n’aura aucune gêne.

Sur l’aspect préparation, ça ne change pas le deal c’est vraiment la discipline de chaque sport de haut niveau qui nécessite un entraînement assidu et volumineux pour tenir le coup. C’est par la discipline qu’on fait cette préparation sans même penser à notre équipement et à notre airbag.

Quelqu’un qui se pose des questions sur l’airbag, qu’est-ce que tu lui dirais ? 

Alors à quelqu’un qui pourrait avoir un doute sur le fait de porter un airbag et si cette personne fait déjà de la compétition, à mon avis s’il a des doutes c’est pour ne pas être gêné, je lui dirais : on peut s’adapter à quasiment tout et la gêne qu’on sent quand on a une épaisseur de plus sous la combinaison, on s’y adapte et si elle te gêne c’est que tu n’es pas concentré sur les bonnes choses. Focalise toi sur ce qui est important et pas sur ça. Ne te sous-protège pas, sous excuse de dire je ne vais pas être à l’aise donc je ne vais pas pouvoir rouler vite.

S’équiper aujourd’hui, c’est se projeter dans le futur. Quelle est ta vision de demain ? 

Pour le côté sport on a la chance grâce aux télés que notre sport soit de plus en plus médiatisé et l’enjeu est d’arriver à montrer le sport moto comme un vrai sport et pas seulement une discipline dangereuse et qui impressionne les gens, dans le côté négatif, ne pas lier la moto au danger et à l’accident mais plutôt à l’adrénaline et  à ces grandes sensations.

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